Interview de Christophe Martel pour la sortie de La Camisole de Faiblesse dans le magazine French-Ebook



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French-Ebook - La camisole de faiblesse est un roman à part, comment vous est venue l'idée de ce personnage hors normes ?

Christophe Martel - Mes études de psychologie m'ont amené à étudier la schizophrénie et les symptômes propres à cette pathologie m'ont impressionné. J'ai eu envie de faire évoluer cette maladie au travers d'une situation extrême comme le meurtre. Il était intéressant pour moi de montrer à quel point il est possible que cette maladie envahisse le conscient d'un sujet, sans qu'il puisse agir et contrer ses effets. J'aimerais signaler avant tout que La camisole de faiblesse est un roman et qu'il faut bien se garder de penser que tous les schizophrènes sont des dangers comme le personnage du livre. Il s'agit d'une situation extrême, je le répète, la majorité des patients ne ressemble pas au héros du livre.

French-Ebook - Ce qui surprend particulièrement dans ce livre, est le sentiment mitigé que le lecteur ressent à la fin. On ne sait plus que penser… Ce personnage est-il antipathique ou bien sympathique ?

Christophe Martel - Cela est un effet que j'ai recherché. La vie de ce personnage lui échappant totalement, je voulais que le lecteur réfléchisse comme lui. Je voulais qu'il se pose les mêmes questions, qu'il croit les mêmes choses. Et c'est ce voyage dans les trois dimensions (présent, passé et croyance sur le passé) qui brouille les pistes et donne ce sentiment de malaise à la fin du livre.

French-Ebook - N'avez-vous pas eu peur de décontenancer votre lectorat ?

Christophe Martel - Si, beaucoup (rires)… Mais enfin, le lecteur ne peut pas être passif. Tout un monde doit se créer dans son esprit, à lui d'en tirer ses propres conclusions. Ainsi, il n'y a pas deux lectures identiques. Chaque fois, l'approche est différente car le lecteur est différent. Certains vont être surpris de s'être identifiés à ce personnage qui les trouble, d'autres vont le détester d'emblée… J'ai, par exemple, fait lire le manuscrit à une personne qui ne m'a plus jamais adressé la parole ensuite, voyez… toutes les situations sont possibles.

French-Ebook - Comment vous est venu la trame de ce drame psychologique ?

Christophe Martel - En fait, je ne savais pas vraiment où j'allais. Je savais ce que je voulais évoquer - la noirceur que je recherchais - mais je ne savais pas comment tout allait se terminer. En cours d'écriture, j'ai alors appliqué une technique utilisée par les auteurs de scénarios. Elle consiste à écrire le nom des personnages, leur psychologie sur plusieurs feuilles, puis à mélanger les feuilles. Ainsi, des personnages se retrouvent associés à d'autres dans des unions improbables. La psychologie de l'un pouvant passer à l'autre. On retrouve ces choses-là dans les thrillers américains notamment. Un personnage de second plan se retrouvant subitement être le serial killer que l'on ne soupçonnait pas… Des rencontres personnelles ont également servi d'inspiration. Par exemple, lorsque le héros est dans le coma et entend et ressent l'environnement qui l'entoure. Cette scène m'a été inspirée par une malade que j'ai rencontrée dans un hôpital et qui a vécu une situation semblable.

French-Ebook - Il y a également cette scène où le héros perd une partie de son visage, la ramasse au sol et la remet en place…

Christophe Martel - C'est la pierre angulaire du livre. Cette scène est très brève volontairement pour troubler le lecteur. Celui qui la perçoit correctement, comprend alors que ce que raconte le héros n'est pas l'exacte vérité. C'est ce micro-évènement qui fait percuter le lecteur qui dès ce moment doit commencer à douter… J'aime particulièrement que la compréhension d'un récit puisse tenir à un léger détail. Un peu comme dans un film de David Lynch…

Si un livre, en plus d'offrir un moment de plaisir de lecture, peut en plus apporter un moment de réflexion et de déduction, alors je pense qu'il a correctement rempli son contrat.

French-Ebook - Peu de dialogues dans le livre ?

Christophe Martel - J'ai en effet voulu que ce livre soit écrit intégralement en style indirect. Il n'y a que la scène finale qui est dialoguée. Puisque le lecteur voyage dans l'esprit du héros, il ne peut avoir accès aux échanges verbaux directs vécus par le héros. Rappelons que durant tout le récit, le personnage se souvient, il ne vit pas les choses en direct… Il fallait donc en passer par ce style, trop souvent oublié de nos jours. Un roman n'est pas une bande dessinée, c'est une autre discipline.

French-Ebook - Pourquoi avoir choisi l'édition numérique ?

Christophe Martel - Pour plusieurs raisons. La première tenant au fait que nombre d'éditeurs "classiques", dirons-nous, publie aujourd'hui des œuvres calibrées. A vrai dire, on a trop souvent l'impression que le même livre sort sous des titres différents. Il est alors très difficile pour des auteurs originaux de percer au travers de cette jungle. Le temps du ebook n'est pas celui du livre papier. Je m'en explique. Un livre édité en papier, va certes faire plaisir à l'auteur. Il le fera trôner dans sa bibliothèque aux côtés des plus grands. Mais, passé ce petit plaisir narcissique, quelles chances le livre aura de se vendre ? Très peu, car à l'instar de ce qui se passe pour le cinéma, on ne laisse plus le temps à une œuvre de s'installer. Certes, beaucoup de libraires aident les livres qu'ils ont aimés. Mais pour se démarquer au travers des 67000 livres édités chaque année, c'est très compliqué. Les grandes surfaces ne servent absolument à rien, se contentant de vendre ce qui se vend. En d'autres termes, on trouve entre 1000 et 3000 références en hypermarché, autant dire rien ! Je rappelle que la meilleure vente de 2011 est… Pierre Dukan ! Comment un Musso ne pourrait-il se vendre alors qu'on le trouve absolument partout, entre le rayon frais et celui des boissons gazeuses ? Alors pour un nouvel auteur, avoir une chance d'être plus visible qu'une aiguille dans cette grande botte de foin est quasi impossible. En ebook, le livre a le temps de s'imposer car il n'est pas retiré de la vente. En effet, une fois sur les plateformes, l'éditeur n'a aucune raison de le retirer. La promotion peut donc s'étaler sur le temps et l'auteur a tout le loisir de rejoindre des groupes de discussions pour parler de son travail. Dans le livre papier, chaque année, le nombre d'invendus tourne autour des 100 millions d'exemplaires ! Un livre doit trouver son public dans un laps de temps oscillant entre  trois et cinq semaines… bon courage ! Résultat, les 2/3 des invendus finissent au pilon.  Et croyez-moi, c'est toujours un passage difficile pour l'auteur.

French-Ebook - Cependant, la sortie en ebook ne garantit pas plus la vente ?

Christophe Martel - Non, mais elle garantit la pérennité de l'œuvre. En ce sens que le livre reste disponible même s'il ne s'est pas vendu. Il est toujours possible de relancer sa promotion au travers des sites spécialisés. C'est paradoxal, mais alors que le taux d'ebooks vendus en France est de 2% de la production globale, les chances pour un livre édité sous cette forme de se faire connaître sont augmentées en raison de ce qui vient d'être dit. Alors, bien sûr, un auteur rêve toujours du papier pour son œuvre, je suis passé par là aussi, mais les mentalités commencent à changer. Aux États-Unis par exemple, certains ouvrages ont dépassé le million d'exemplaires vendus en ebook. Nous n'en sommes pas là, mais patientons…


French-Ebook - Merci Christophe Martel, nous rappelons la sortie de votre livre La camisole de faiblesse aux éditions Black-Ebook ! 

Christophe Martel - Merci à vous !


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